Qui a peur du plaisir féminin?

Publié le 2 Avril 2013

 

Texte libre d'Adela et Enora, élèves de terminale L

 

Remarques :

-Ce texte vient de s'enrichir de deux oeuvres réalisées par Clémence et Quentin dans le cadre du cours d'arts plastiques de Monsieur Tritarelli (Ces oeuvres ont été exposées au musée Courbet d'Ornans).


-Pensez à lire le commentaire que Jean-Claude Piquard, sexologue et écrivain, auteur de  La fabuleuse histoire du clitoris, a bien voulu faire de cet article. Il faut cliquer sur "voir le commentaire" tout en bas de l'aricle et n'hésitez pas à ajouter les vôtres!


 

"Le clitoris est un organe féminin dédié uniquement au plaisir, c'est d'ailleurs le seul organe humain présentant cette caractéristique si on le compare au gland, son équivalent masculin, lié au plaisir mais aussi à la reproduction.

Le clitoris possède une partie externe infime, cet organe pourtant mesure une dizaine de centimètres. La question qui se pose alors est, comment arrive-t-on à ignorer son existence, alors qu'il s'agit d'un organe visible mais surtout accessible du sexe féminin ? Durant bien des années on disait qu’une sexualité féminine était aboutie seulement si elle était vaginale. Pourquoi?

origine-du-monde.jpgQuentin Benoit (terminale L)

Variations sur l'origine du monde de Gustave Courbet


Aujourd’hui, le plaisir féminin semble davantage reconnu. Comment cette évolution a-t-elle pu être possible ? Quels ont été ses obstacles et ses réussites?

Dans un premier temps nous verrons les causes de l’absence du plaisir féminin et nous montrerons comment la recherche médicale a longtemps renforcé cette ignorance du plaisir féminin et la domination sexuelle masculine. Puis nous verrons que cela a conduit à une ignorance de l'anatomie et du plaisir féminin enfin nous insisterons sur l'importance de l'éducation sexuelle pour les jeunes.

Ce constat à la fois historique et sociologique conduit à des questions philosophiques :

Pourquoi le plaisir a-t-il si souvent été objet de suspicion de la part des philosophes et des religions, et plus que tout autre le plaisir sexuel, et plus que tout autre encore, le plaisir sexuel féminin?

 

L'excision physique et l'excision psychique : la peur du plaisir féminin

L’absence de plaisir féminin a des causes multiples. Il y a un cas extrême, l’excision (ablation du clitoris) pratique traditionnelle dans certains pays d'Afrique. Cette mutilation qui interdit le plaisir sexuel féminin est difficilement réparable malgré les efforts de certains chirurgiens volontaires, comme Pierre Foldès, qui au cours de ses missions humanitaires a pratiqué plus de 3500 reconstitutions de clitoris. Cependant ce que l’on coupe est souvent perdu à jamais, exactement comme si l’on coupait le gland de l’homme a expliqué ce chirurgien.

On peut également accuser Freud, le père de la psychanalyse d'avoir contribué à la négation du plaisir féminin. Il prétendait que la sexualité d'une femme parvenait à maturité lorsque celle-ci abandonnait le plaisir clitoridien actif pour le plaisir vaginal passif. Il pensait que la sexualité connaissait des phases, que chacune de ces phases était censée dépasser la précédente dans un processus normal de développement et qu'ainsi une femme qui continuait à éprouver un plaisir clitoridien était enfermée dans une conduite infantile et névrotique. On peut lire ces analyses dans la cinquième conférence sur la psychanalyse consacrée à la féminité. Combien de femmes, victimes de ce qu'on peut appeler une excision mentale ou psychique, ont alors nourri des complexes se croyant malades et névrosée car elles continuaient, adultes, à trouver du plaisir dans l'excitation de cette partie de leur corps? Sans parler de Marie Bonaparte patiente de Freud, écrivaine et psychanalyste, qui par une opération de chirurgie, est allée jusqu'à faire déplacer son clitoris à l'entrée de son vagin pour éprouver du plaisir lors de la pénétration!

Pendant longtemps, les médecins ont été quasi exclusivement masculins ce qui a en grande partie freiné les recherches sur la question du plaisir féminin. C’est seulement en 1998 qu’on a connu l’anatomie précise du clitoris grâce a une équipe australienne. Avant cela, il en existait des descriptions très inexactes. Selon certains scientifiques, ces recherches étaient inconvenantes ou moins importantes que celles concernant la reproduction, d’autres prétendaient que la sexualité féminine était trop compliquée. Mais pourtant jamais un chercheur n’a été détourné de ses recherches car cela était trop compliqué. Tout ceci semble révéler une certaine angoisse masculine vis-à-vis du plaisir féminin.

En ce qui concerne le plaisir la recherche est essentiellement fondée sur les besoins de l’homme, les problèmes érectiles qui nécessitent des traitements médicamenteux (exemple : viagra, cialis….). Pourtant on a constaté que les troubles de l’orgasme aussi bien chez les hommes que chez les femmes entrainent des maladies psychiques. Est-ce logique ? S’il y a une souffrance, elle mérite un traitement autant pour les femmes que les hommes !

renaud-3--1-.jpgClémence Renaud (élève de TL), Un sommeil néo-pop

 

La méconnaissance de son corps

Les femmes en effet ne connaissent souvent pas leur sexe ou en honte. On a aussi pu constater que certaines femmes le désigne par des non-dits : « ça », « en bas ». Nous avons proposé à nos camarades du lycée l'enquête réalisée par Jean-Claude Piquard dont il donne les résultats dans La fabuleuse histoire du clitoris. Il s'agit de demander à des lycéens et lycéennes de représenter d'un côté l'appareil génital masculin extérieur et visible (testicules, verge, gland, méat urinaire) et de l'autre l'appareil génital féminin extérieur et visible (grandes lèvres, petite lèvres, clitoris, méat urinaire). Eh bien, notre résultat confirme celui du livre! Il n'y a aucune difficulté à représenter l'appareil masculin tandis que la représentation de l'appareil féminin est très fantaisiste quand elle n'est pas inexistante ou perçue comme choquante! Pourtant notre questionnaire s'adressait essentiellement à des filles en nombre majoritaire au lycée. Connaître le sexe de l’autre sans connaitre le sien d’abord ! On a également constaté que certaines femmes dégoutées par leur propre sexe, ne conçoivent pas de le regarder dans le miroir. Alors que le genre masculin quand à lui n’a presque pas de problèmes de ce coté-là. Ils en sont d’ailleurs souvent fiers, en témoignent même au lycée Xavier Marmier, des dessins de pénis et de testicules sur les tables des salles de classe, sans parler des toilettes.

 

Le plaisir s'apprend

Pour pouvoir s'épanouir pleinement les femmes devraient perfectionner leur sexualité en l'explorant. Le plaisir s’apprend ! Même s'il n’existe pas dans ce domaine de norme, ou de mode d’emploi. Dans la sexualité il n’y a pas quelque chose à suivre et à réussir. Chacun fait en fonction de ses capacités, ses envies et désirs, comme il l’entend. On note chez certaines filles le besoin d’être ce qu’elles ne sont pas en réalité, elles cherchent à s’identifier à une image que leur propose la société. En agissant ainsi, elles s’oublient, se nient, n’écoutent pas leur corps et passent à coté du plaisir qu’il renferme. Le plaisir est basé sur deux formes de connaissances : théorique et expérimentale. L’exploration sexuelle dans un premier temps passe par la masturbation qui permet de mettre en marche les circuits de plaisir dans le cerveau. L’accès à la jouissance nécessite une forme d’égoïsme mais également de se débarrasser des tabous existants et solidement ancrés. Car certaines femmes préfèrent être conformes à ce qu'on attend d'elles pour ensuite penser à leur plaisir. Il existe aussi des cas de femmes qui ont besoin d’être stimulées pour avoir du plaisir cependant elles n’osent pas la masturbation devant l’homme car cela risquerait de le dévaloriser. Malgré cela certaines femmes tentent l’expérience à l’aide de vibromasseurs. C’est en 1880 que le vibromasseur appelé aujourd’hui sextoy, apparait afin de soigner l’hystérie, sous prescriptions médicale. Mais comment les hommes ont-ils accueilli cet objet qui parle aussi bien, voire mieux qu’eux le langage du clitoris et surtout leur vole en quelque sorte la vedette? Aujourd’hui seulement une petite minorité de françaises ont déjà utilisé cet objet.

Aujourd’hui encore beaucoup d’hommes pensent que l’orgasme n’arrive que par la pénétration sans parler de ceux qui ne savent même pas où se situe le clitoris. Cependant rassurons nous, tous ne pensent pas ainsi et heureusement, puisqu’il en existe quand même qui savent que le plaisir clitoridien existe et est essentiel. Ceux là comprennent que leur plaisir et aussi le plaisir de l'autre!

 

Une autre raison de l’ignorance sur le plaisir féminin est probablement l’éducation sexuelle qui est inexistante. Selon Elisa Brune, célèbre auteure du livre : La révolution du plaisir féminin (sexualité et orgasme) cela devrait faire partie de l’éducation afin que les jeunes aient des bases correctes d’anatomie et puissent par la suite mieux comprendre leur corps. Ces jeunes personnes n’ayant pas d’informations à ce sujet trouvent parfois celles-ci sur internet, ce qui peut se révéler très dangereux : images et discours choquants parfois traumatisants. Les représentations du sexe restent toujours aujourd’hui extrêmement stéréotypées comme dans les films pornographiques qui influencent les jeunes sur l’attitude à adopter dans leur sexualité.

Il serait temps d'enseigner le plaisir sexuel le plus impartialement possible, au même titre que les statistiques, la physique et l'histoire géographie!

 

Sources :

- Elisa Brune, La révolution du plaisir féminin (sexualité et orgasme), éditions Odile Jacob, 2012

- Jean Claude Piquard, La fabuleuse histoire du clitoris, éditions blanche, 2012  

- Sigmund Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, éditions Gallimard, collection idées, 1971.

- Le clitoris ce cher inconnu, film documentaire Arte (visible sur Dailymotion)

- Pierre Foldès, l'homme qui a inventé la chirurgie réparatrice : Slateafrique

www.the-clitoris.com 

 

 Pour le sexologue Yves Ferroul, "le plaisir féminin, ça s'apprend",  article de Sud Ouest"

Rédigé par Laulevant

Publié dans #Texte libre

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B
Le bonheur des femmes n’est pas terrible. Ce qui est effrayant, c’est que vous n’essayez pas d’être heureux. Nos poupées en silicone sont un très bon exemple: elles sont proches des vraies femmes et peuvent apporter du bonheur à plus de gens.
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B
Plus d'un million de personnes dans le monde commencent à utiliser des poupées en silicone et sont devenues très populaires dans le monde entier.<br /> https://www.bondolls.com/poupee-silicone/
D
<br /> Bonjour, <br /> <br /> <br /> Le plaisir féminin est une chose importante à savoir et à explorer. Parfois, c'est son role à elle même de faire ça ou à son partenaire. J'ai aussi entendu dire que certaines femmes les<br /> découvrent par l'utilisation des sextoys selon loveandmag.com .<br />
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H
le plaisir féminin a évolué n'est plus honteux, mais il y a toujours un aspect assez tabou autour
L
<br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> L'éducation sexuelle est très importante pour les jeunes filles qui ont atteintent la puberté. Cela leur permet d'avoir une bonne vision de la sexualité.<br />
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J
<br /> C'est avec grand plaisir que j'ai lu cet article !<br /> <br /> Dans l'historique, il y a une petite imprécision par rapport à mon livre La Fabuleuse histoire du clitoris : en effet, le clitoris a toujours été connu et reconnu sauf ... au 20ème<br /> siècle ! C'est un incroyable paradoxe.<br /> <br /> <br /> Néanmoins, cet article est excellent !<br /> <br /> <br /> Si vous pouvez m'envoyer une copie des documents de l'enquête que vous avez menée, je suis intéressé.<br /> <br /> <br /> Toutes mes félicitations à Adela et Enora, et à leur professeur de philosophie qui a suscité cette réflexion et cette liberté d'écriture !<br />
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